La grande consommation à l’épreuve du défi économique et social. Anne-Sophie Bielak
Le défi de 2021 : Adapter son mix à la polarisation des profils, dans un contexte de paupérisation des shoppers, de pessimisme croissant et de décrochage des cibles les plus fragiles.
Lors de notre 1ère édition de l’étude What The French, dont le terrain s’est déroulé en janvier 2020, nous avions identifié que les shoppers étaient loin d’être une population homogène sociologiquement et qu’ils se segmentaient autour de 4 grandes fractures :
1. Le sentiment d‘avoir le choix dans leur vie ou au contraire de la subir. 2. Le regard optimiste ou pessimiste qu’ils posent sur leur propre avenir et sur l’avenir de la société. 3. Le niveau de confiance ou de défiance envers les acteurs publics comme privés. 4. Et enfin le degré d’ouverture ou de fermeture face à la mondialisation et la transformation des frontières
Pour illustrer ces fractures quelques chiffres clés de janvier 2020 : 38 % des français nous ont relaté boucler difficilement leurs fins de mois, 30 % avoir des difficultés à payer leurs courses alimentaires. Un autre fait marquant scinde littéralement la population : c’est celui de l’ouverture des frontières du pays. Pour 50 % d’entre eux elle est bénéfique, pour une autre moitié elle est néfaste.
Ces fractures segmentent ainsi la population en 8 groupes permettant de visualiser la disparité de la population des shoppers français ; fractures qui se lisent aussi bien dans le panier d’achat des shoppers, que dans leur parcours d’achat (nombre de visites, circuits et enseignes fréquentés).
La 2nde édition de l’étude dont le terrain a eu lieu en Novembre 2020 nous donne cette fois-ci une lecture de l’impact de la crise sanitaire et des restrictions économiques sur les attitudes et les opinions des shoppers. Sans surprise, un vent de pessimisme souffle. L’angoisse des Français se résume en 3 mots : économie, emploi, inégalités. Dans la tourmente, certains individus ont ainsi évolué et changé de groupe. La structure de la population des shoppers s’en retrouve ainsi impactée.
A ce glissement s’ajoute une polarisation croissante. La société française démarre l’année encore plus fracturée qu’elle ne l’était en 2020 du fait notamment du décrochage de 2 cibles : les Inactifs Sacrifiés et les Actifs Délaissés. Ces 2 cibles étaient les plus fragiles au début de l’année 2020 et elles ont été les 1ères victimes économiques de la crise sanitaire. Attention, ces cibles ne se résument pas à leur classe socio-économique modeste. Elles sont dans une plus grande défiance, un pessimisme plus profond et une plus forte peur du changement. Tous les français au pouvoir d’achat restreint ne se retrouvent pas forcément dans ces cibles.
Ce décrochage se concrétise par des bouleversements dans leur comportement d’achat. Ayant des difficultés croissantes à payer leurs courses alimentaires dans un contexte de vécu de leurs fins de mois déjà difficiles, ces cibles se tournent par exemple davantage vers la MDD économique ou ralentissent la croissance de leurs dépenses sur le Bio et les produits équitables.
2021 présente ainsi 3 enjeux majeurs pour les marques et les enseignes.
1. Piloter son profil et adapter son mix à la polarisation de la société : Alors que le levier à privilégier pour croître demeure l’augmentation de sa taille de clientèle, des fractures qui se creusent impliquent de faire un plus grand écart pour toucher le plus de cibles possibles, et donc parvenir à parler à la plus grande diversité socio-culturelle. 2. Ancrer le rôle positif sur l’emploi et l’économie française de sa marque / de son enseigne Démontrer le rôle clé de sa marque, de son enseigne en tant qu’employeur national va devenir un argument encore plus écouté, entendu et engageant pour le shopper. Le souhait des Français pour pallier leurs angoisses : protéger l’emploi du voisin et vivre une reprise économique. 3. Être plus exigeant dans sa capacité, et celle de son équipe, à se mettre à la place de TOUS les Français et à comprendre leurs problématiques. La fracture se creuse et cela nous impacte en tant qu’acteur de la grande consommation. Nous faisons nous-même partie d’un groupe social spécifique nous éloignant parfois des autres groupes, alors que nous devons dans le même temps mieux les comprendre pour mieux les satisfaire.